Mars 2019 : première résidence d'artiste organisée par les Ateliers du Texte et de l'Image, en collaboration avec le RAVI, l'ESA St-Luc (section illustration), l'ESAVL (section illustratrion) et le CEC Ateliers 04.
L'artiste française Céline Thoué a été invitée à développer son projet Sauver l'espace.
Céline Thoué a une pratique pluridisciplinaire : installations in situ, performances, céramique, dessin, gravure, peinture,.. Elle réalise aussi des livres d'artistes où la gravure et la typographie tiennent une place prépondérante. Elle fonde en 2005 avec l'artiste Pierre Abernot L'épluche-doigts, un atelier dédié à la gravure, la typographie, l'impression et la microédition. Depuis 2014, elle fait paraître autour de ces mêmes préoccupations la revue biannuelle Mecanica.
Céline Thoué intervient régulièrement en typographie et linogravure dans des institutions socio-culturelles et s'adresse à des publics diversifiés (enfants comme adultes). Elle a publié à ce jour une quinzaine de livres d'artiste et a réalisé des illustrations pour l'édition et la presse jeunesse. L'œuvre de Céline Thoué a fait l'objet de nombreuses expositions personnelles et collectives.
Sauver l'espace, c'est tout à la fois une réflexion, une collection, une projection, une installation. Autour d'une vaste notion : celle de paysage.
Sauver l'espace, c'est un déploiement évolutif dans un environnement donné, concret ou impalpable, ouvert et modulable : ce peut être un mur, un sol, une voûte, un coin, une niche, dans l'air. Ce peut être dehors, ce peut être dedans ; ce peut être sur, ce peut être dans ; ce peut être au travers aussi.
Sauver l'espace, c'est un agencement de formes, de lettres, de figures, de trames, de couleurs, de volumes, de surfaces, de matières, de supports ; un assemblage dense de vides et de pleins, de liens et de hiatus, d'affinités et de divergences, de reliefs et de creux, de passerelles et de fossés, d'ondulations et d'éléments angulaires. Semblant à la fois aléatoire et maîtrisé, l'ensemble forme alors une cartographie mouvementée de « pays(ages) », un panorama cohérent de multiples territoires distincts, une composition organique et complémentaire de foyers qui s'enchevêtrent. Le tout est étrangement harmonieux.
Sauver l'espace est une mise en scène d'éléments peints, collés, découpés, déchirés, gravés, tamponnés, dessinés, typographiés, suspendus, épinglés, scotchés... que l'artiste pourrait détricoter et réajuster autrement. Sauver l'espace n'est pas figé ; il se veut expérimentation et développement. De la pensée et de la perception.
Sauver l'espace c'est contempler le paysage et le réhabiter.
Inclue dans sa réflexion sur le paysage, l'installation Sauver l'espace questionne l'idée de territoire. Cette idée, Céline Thoué la met à l'épreuve, depuis une décade maintenant, dans ses recherches graphiques et typographiques ; celles-ci s'apparentent même, pourrait-on déceler, à des relevés topographiques. Alors que la notion de territoire renverrait de facto aux vocables d'appartenance, d'encadrement, de limite et de contrôle, l'artiste révèle dans son travail que cette notion est indéniablement chancelante – l'histoire témoignant en continu de la mouvance des contours territoriaux, de la malléabilité et de la redéfinition incessante des frontières. Instable le territoire ? Précaire la frontière ? En atteste le « tout est provisoire » – courte sentence rehaussant ça et là l'installation. Représenter le paysage revient ici à « topographier » sa vulnérabilité, refléter l'éphémère de son contenant et la fragilité de son contenu, donner corps à ses irrégularités. C'est, métaphoriquement, rendre compte des inégalités qui sont inhérentes à tout paysage contemporain.
Car au fond Sauver l'espace, de l'aveu de l'artiste, ce pourrait traduire et cartographier des traversées migratoires, des flux humains, des déplacements de communautés. Que l'artiste décline sur le mode de la répétition, de l'oscillation, de la variation et de la traçabilité.
Sauver l'espace est un déploiement dans l'espace certes, mais aussi dans le temps, ici celui de la résidence. Restera pourtant une mémoire concrète de l'expérience au-delà de l'installation, non permanente : un manifeste unique à manipuler, à feuilleter, trace imprimée du travail en atelier, du process.
Texte produit par les ATI autour du projet de résidence de Céline Thoué